Hallucinogène
Un hallucinogène est une substance chimique psychotrope qui induit des hallucinations, soit, aux doses usuelles, des altérations des perceptions, de la cohérence de la pensée...
Un hallucinogène est une substance chimique psychotrope qui induit des hallucinations, soit, aux doses usuelles, des altérations des perceptions, de la cohérence de la pensée et de la régularité de l'humeur, mais sans confusion mentale persistante ou troubles de la mémoire[1]. Cet état est nommé état modifié de conscience par certains usagers ; il peut aussi être atteint par la spiritualité, la méditation ou à travers l'art.
Les hallucinogènes forment une catégorie dans la majorité des classification des psychotropes. Il s'ensuit que leurs caractéristiques différent selon la classification utilisée. À cause de l'allure de leur impact, ils sont aussi décrits et désignés comme des perturbateurs du dispositif nerveux central. Les effets des hallucinogènes sont clairement différents des stimulants comme la cocaïne ou les amphétamines quoiqu'ils augmentent aussi la vigilance ou l'activité.
La plupart des hallucinogènes appartiennent à des familles de structure chimique spécifique, capables d'agir sur des emplacements spécifiques du cerveau, fréquemment proches des neurotransmetteurs ou des inhibiteurs, identiques à énormément de produits prescrits légalement. C'est ainsi qu'ils peuvent changer les qualités subjectives de la perception, de la pensée ou de l'émotion.
Histoire
Historiquement, certaines de ces substances connaissent des utilisations rituelles ancestrales dont certaines ont survécu jusqu'à nos jours via surtout le chamanisme et certains cultes (l'Ayahuasca par exemple). Leurs usages rituels sont variés : objet de culte, divinatoire, curatif, rituel de passage, initiation, transe, communication avec un autre monde, cérémonie avec fonction sociale. C'est à ce type d'usage que s'adresse le terme enthéogène. Il existe de nombreuses preuves de l'usage de ces substances dans les civilisations antiques et c'est la naissance des grandes religions monothéistes qui est responsable de la disparition de ces usages qu'elles désignaient comme incarnant le mal.
Malgré leur aspect ancestral, la société occidentale moderne ne s'est véritablement intéressée à ces substances qu'au tout début du XXe siècle et en particulier après la découverte du LSD et la révolution culturelle qui lui fut contemporaine. Ces substances furent alors testées essentiellement dans des buts thérapeutiques surtout lors de psychothérapies. Leur usage dans des buts militaires fut aussi l'objet de recherches commanditées par des instances officielles comme la CIA mais n'obtint jamais les résultats escomptés.
Leur popularité croissante conduira à leur interdiction et la majorité de ces substances sont aujourd'hui illégales, même si certaines exceptions persistent pour usage religieux.
Il existe aujourd'hui un renouveau de la recherche scientifique et médicale dans les pays occidentaux (Etats-Unis, Isræl, Suisse, Espagne), de nombreuses études expérimentales ayant désormais démontré l'utilisation envisageables de certains hallucinogènes dans des indications médicales et spirituelles (Chambon, "La médecine psychédélique", 2009, Edition Les Arènes).
Chimie des hallucinogènes
Les hallucinogènes sont principalement des éléments végétaux ou des alcaloïdes qui en sont extraits ; des produits de synthèse et exceptionnellement des substances d'origine animale type venin.
Il est envisageable de les répartir en trois groupes :
- les phényléthylamines, aux effets spécifiquement variés, leur classification est complexe selon ce critère. (contient par exemple mescaline, ecstasy) ;
- les dérivés indoliques :
- les hallucinogènes à structures diverses (contient par exemple salvinorine A).
Pharmacologie des hallucinogènes
Comme tout psychotrope, les hallucinogènes altèrent l'homéostasie du dispositif nerveux central en agissant sur les concentrations en neuromédiateurs (acétylcholine, dopamine, noradrénaline, sérotonine).
Les mécanismes sont nombreux et sont toujours l'objet de travaux, mais certains ont été exactement identifiés. Ainsi, la salvinorine A de la Salvia divinorum agit seulement sur les récepteurs opioïdes kappa. D'autres hallucinogènes agissent comme agonistes des récepteurs sérotoninergiques de type 5-HT2.
Classification selon les effets
En s'attachant prioritairement aux allures des hallucinations produites en rapport avec le mode d'action, il a été dégagé trois classes d'hallucinogènes : les délirants, les dissociatifs et les psychédéliques. Bien sûr, la parenté des structures chimiques induit une proximité des modes d'action.
Les hallucinogènes délirants
Les hallucinogènes de ce type sont des anticholinergiques et leurs effets peuvent être apparentés au somnambulisme. Les alcaloïdes des daturas appartiennent à ce groupe.
Ils induisent de véritables hallucinations et non seulement des illusions, les effets secondaires sont surtout la déshydratation et une dilatation de la pupille (mydriase).
Ils sont hautement toxiques et présentent de véritables risques de surdosage.
Leur classement pharmacologique les divisent en :
- Tropanes
- Atropine (origine végétale)
- Scopolamine (origine végétale)
- Hyoscyamine (origine végétale)
- 3-quinuclidinyl benzilate
- Antihistaminiques
- Diphenhydramine (Benadryl)
- Dimenhydrinate (Dramamine)
- Cyclizine (Marezine ou Marzine)
Les hallucinogènes dissociatifs
Énormément d'hallucinogènes dissociatifs ont un effet dépresseur sur le dispositif nerveux central et peuvent conduire au décès par dépression respiratoire en cas de surdose. Les effets sont le plus souvent marqués par une sensation de décorporation (sensation de sortir de son corps) et une analgésie.
Même si les effets de ces substances fluctuent un peu entre elles, par exemple, la majorité ne produisent pas d'hallucinations sauf le protoxyde d'azote qui induit des déformations auditives et la salvinorine A qui produit des hallucinations visuelles, auditives et sensorielles, elles forment néanmoins un groupe nettement différent.
Classement pharmacologique :
- Antagonistes des récepteurs de NMDA (N- acide méthylique-D-aspartique) et ligands du sigma 1
- Dextrométhorphane
- Kétamine
- PCP
- Ibogaïne (origine végétale), (aussi classé comme psychédélique)
- Agonistes des récepteurs opioïde kappa
- Salvinorine A (origine végétale), le principe actif de la Salvia divinorum
- Gaz
- Protoxyde d'azote
- Cholinergiques, principes actifs de certains champignons hallucinogènes dont l'Amanita muscaria, agonistes des récepteurs GABA-A
- Muscimole (origine végétale)
- Acide iboténique (origine végétale)
- Muscarine (origine végétale).
Les hallucinogènes psychédéliques
Un psychotrope psychédélique n'induit pas de pharmacodépendance, mais provoque des modifications de l'humeur, de la pensée et de la vision qui ne se rencontrent généralement que dans des états comme les rêves, la transe mystique ou la méditation.
C'est un terme aussi utilisé aux États-Unis pour désigner les hallucinogènes.
Ils sont pour la majorité des agonistes des récepteurs de sérotonine type 5-HT 2A.
- Classement pharmacologique des psychédéliques[2]
Classe | Sous-classe | Origine | Substance |
---|---|---|---|
Tryptamines | Naturelle | Bufoténine (yopo), psilocybine et psilocine (psilocybe, champignon hallucinogène), ibogaïne (iboga), diméthyltryptamine (DMT), 5-MeO-DMT | |
Tryptamines | Synthétique | Diméthyltryptamine (DMT), dipropyltryptamine (DPT), 5-MeO-AMT, DIPT, 5-MeO-DIPT, 4-HO-DIPT, ibogaïne, Voacangine | |
Phényléthylamines | Hallucinogène | Naturelle | Mescaline (peyotl et San Pedro), myristicine (noix de muscade) |
Phényléthylamines | «Designer drugs» | Synthétique | MDMA, MDA, MDEA, MBDB, DOM (STP) , 2C-B, 2C-T-7, 2C-I[3], 2C-E, 2C-T-2[4], 2C-T-4[5], 2C-T-21[6], DOB, DO-ET, DOI[7], Bromo-DragonFly, TMA-2 et TMA-6[8] |
Phényléthylamines | Amphétamines | Naturelle | Cathinone (Khat), éphédrine (ephedra) |
Phényléthylamines | Amphétamines | Synthétique | |
puissants IMAOs | Naturelle | Harmane (passiflore), harmine et harmaline (ayahuasca) | |
Cannabinoïdes | Naturelle | Cannabinol, cannabidiol, THC | |
Cannabinoïdes | Synthétique | Dronabinol (marinol), Nabilone | |
Esters divers | Naturelle | Atropine, scopolamine, hyosciamine (datura, belladone, mandragore) | |
Esters divers | Synthétique | ||
Esters divers | Amanite tue-mouches | Naturelle | Muscimole |
Esters divers | Naturelle | ||
Esters divers | Synthétique | PCP, Kétamine (kétalar) | |
Esters divers | acides lysergiques | Naturelle | Ergine (Rivea corymbosa (ololiuqui), Argyreia nervosa (Hawaiian baby woodrose ou Liane d'Argent) et Ipomœa violacea (tlitliltzin ou gloire du matin) ), Ergonovine |
Esters divers | acides lysergiques | Synthétique | LSD |
Produits volatils | Synthétique | chloroforme, éther, essence, oxyde nitrique, nitrite d'amyle (poppers) | |
Autres | Synthétique | GHB |
Classification des expériences hallucinogènes
L'expérience hallucinogène peut être extrêmement variable selon la nature, le dosage du produit, l'environnement et la nature de l'individu.
Dans les années 1960 des classifications de ces expériences ont été proposées. [1]
La principale distingue quatre types d'expériences :
- expérience de psychose, assimilée au bad trip décrit par les usagers, expérience de peur et d'angoisse avec possibilité de tentative de suicide ;
- expérience cognitive, sensation de lucidité extrême de la pensée ;
- expérience esthétique, avec modifications des perceptions sensorielles, illusions ou alors hallucinations ;
- expérience psychodynamique, revivance de souvenirs oubliés, expérience fréquemment traumatisante pouvant aboutir à une tentative de suicide ou à une décompensation psychotique.
Une autre classification des psychiatres américains Robert E. L. Masters et Jean Houston en 1966 propose aussi quatre niveaux d'expériences :
- niveau sensoriel, le premier stade de l'intoxication aux hallucinogènes, sensation de modification corporelle, distorsions spatiales, visions colorées ;
- niveau de rappel des souvenirs, forte introspection quelquefois accompagnée de sensations de mort et de renaissance ;
- niveau de symbolisation, le matériel psychique élaboré lors du rappel de souvenirs est interprété par le psychisme, vision métaphorique sur les thèmes récurrents à l'humanité (la création, Dieu, le paradis, etc. )
- niveau mystique, expérience de conscience du divin, prise de conscience universelle. Ce type d'expérience est jugé exceptionnel (5% des usagers de LSD selon Masters et Houston) et ne à pour but de aucune élaboration symbolique ou délirante, elle est à rapprocher des vécus chamaniques.
Difficultés terminologiques
Le terme hallucinogène a été proposé par les psychiatres américains Abram Hoffert et Humphry Osmond et canadien John R. Smythies en 1954. [1]
Du fait de son étymologie fortement liée aux hallucinations, certains ont tendance à assimiler toute substance provoquant un épisode hallucinatoire - même si cela n'est pas son effet principal - aux hallucinogènes. De même, les produits induisant une perte totale avec la réalité malgré des hallucinations ne sont pas des hallucinogènes au sens pharmacologique strict. [1]
Cette assimilation est spécifiquement critiquée par les chercheurs en ethnobotanique qui reprochent à ce terme d'associer mécaniquement l'idée d'hallucinations à ces substances, tandis que les véritables hallucinations ne sont génèrées que par une faible partie de ces produits ; les témoignages des expérimentateurs ayant qui plus est démontré que la nature des hallucinations variait aussi selon la substance.
Il convient donc de bien différencier l'usage courant du terme («favorisant des hallucinations») et le sens pharmacologique (terminologie). Néenmoins même dans cette discipline, le terme «hallucinogène» est fréquemment employé comme synonyme pour la classe pharmacologique des psychédéliques ou psychodysleptiques, en particulier dans la littérature scientifique courante.
Propositions de termes spécifiques
De nombreux termes ont été proposés pour préciser les effets des hallucinogènes et ainsi les classifier : délirogène, enivrant, hypnotique, lucidogène (qui génère la lucidité), mysticomimétique (qui simule le mysticisme), phanérothyme (âme ouverte à la vue), phantastica (utilisé par Louis Lewin en 1924 dans sa monographie du même nom), psychostimulant, psychotogène (qui génère les psychoses), schizogène (qui génère une rupture), stupéfiant...
Quelques termes ont émergé :
- Psychotomimétique veut dire «qui simule les psychoses» et a été retenu par l'OMS qui le définit comme un agent chimique qui induit des changements de la vision, de la pensée, et du jugement proches de ceux observés dans les psychoses sans induire une atteinte définitive de la mémoire et de l'orientation caractéristiques des syndromes organiques.
Selon certains auteurs, les psychotomimétiques induisent une stimulation psychomotrice et des effets hallucinogènes qui sont doses-dépendants. Ils y classent par exemple le MDMA, la PCP et la kétamine. [9] - Un psychodysleptique est un psychotrope qui modifie l'état de conscience, l'humeur, l'activité intellectuelle mais aussi le contact avec le monde extérieur et qui provoque quelquefois des hallucinations.
Ce terme est introduit en 1959 par Jean Delay et Pierre Deniker dans leur classification.
Certains auteurs considèrent «psychodysleptique» comme synonyme d'«hallucinogène». Cependant, «psychodysleptique» est un terme plus général qu'«hallucinogène» ; il sert à désigner tout perturbateur du dispositif nerveux central. Il peut ainsi s'agir de solvants, l'alcool, les dérivés du cannabis, et non seulement des hallucinogènes. - Enthéogène signifiant «qui génère la foi», ce terme est en particulier utilisé par l'ethnobotanique et doit plus être compris comme un mode d'utilisation que comme un effet potentiel. En effet, les substances désignées sous ce nom connaissent une utilisation rituelle susceptible - de par la récurrence des témoignages - d'induire une expérience mystique. Certains auteurs préfèrent ce terme à celui d'hallucinogène et tendent à regrouper la majorité de ces substances sous ce terme, y compris celles ne connaissant pas d'usage rituel.
Article détaillé : enthéogène.
- Empathogène et entactogène : ces termes sont des synonymes parfaits désignant une classe d'hallucinogènes qui provoquent une libération de la sérotonine et qui sont des phényléthylamines. Leurs étymologies différent toutefois : Empathogène veut dire «qui génère l'empathie», terme crée en 1983 par Ralph Metzner ; Entactogène veut dire «qui favorise le contact», terme créé en 1986 par David E. Nichols et Alexander Shulgin comme alternative à empathogène à qui ils reprochaient l'association éventuelle avec la racine pathos.
Notes et références
- Denis Richard, Jean-Louis Senon, Marc Valleur, Dictionnaire des drogues et des dépendances, Larousse, 2004 (ISBN 2-03-505431-1)
- ↑ C. Sueur, A. Benezech, D. Deniau, B. Lebeau, C. Ziskind, Les substances hallucinogènes et leurs usages thérapeutiques, Toxibase, 1999
- ↑ (en) 2C-I
- ↑ (en) 2C-T-2
- ↑ (en) 2C-T-4
- ↑ (en) 2C-T-21
- ↑ Pour DOI, voir (en) 2, 5-Dimethoxy-4-iodoamphetamine
- ↑ * Pour TMA-2 et TMA-6, voir (en) Trimethoxyamphetamine
- ↑ Michel Hautefeuille, Dan Véléa, Les drogues de synthèse, Presses Universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 2002 (ISBN 2-13-052059-6)
Voir aussi
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